Création littéraire et sciences sociales transfrontalières
En Europe et au Canada, le milieu littéraire traverse actuellement une période intense de bouleversements, de changements et de transformations. Le rôle des écrivains, des éditeurs et des intervenants de la communauté littéraire mondiale évolue alors que le secteur littéraire se redéfinit pour demeurer en phase avec les réalités d’aujourd’hui (connectivité illimitée, accès au monde entier, etc.) et les nouvelles habitudes de lecture qui constituent autant de défis et de rupture.
Si l’on se réfère à la théorie littéraire, force est de constater que la littérature apparaît comme un système complexe de relations mutuelles qui implique la prise en compte de nombreux paramètres inhérents à divers champs. Empruntant aux formalistes russes (Iouri Tynianov, Roman Jakobson, 1965) la notion de système, le sémioticien israélien Itamar Even-Zohar a crée, à partir des années 70 à Tel-Aviv, une « théorie du polysystème », en montrant comment la communication littéraire relève d’une combinatoire articulant les relations entre les producteurs (les écrivains), les consommateurs (publics, lecteurs), médiatisées par les acteurs de la vie littéraire (critiques, commentateurs, éditeurs, mécènes…) mais aussi les données périphériques du marché (évolution du public, nature des modes de diffusion et de publication, structures d’enseignement, librairies, bibliothèques…) qui constituent divers systèmes stratifiés en perpétuelle interaction.
Afin de saisir au mieux les interactions du milieu littéraire, il s’avère particulièrement pertinent d’envisager l’ensemble des dispositifs à partir des « border studies » et notamment du concept de « borderscape » qui interroge les bordures d’un point de culturel et social, le potentiel des paysages frontaliers traversés par une plurialité de pratiques, discours et expériences sensibles rendant visibles pour les auteurs, comme les autres acteurs de la chaine du livre, les interactions entre espaces. En quoi et comment la création littéraire peut-elle une forme de « borderscaping » induit par le milieu ?